Journée mondiale des pauvres : Proposition de Lectio divina

A l'occasion de la Journée mondiale des pauvres, le 19 novembre 2017, le Conseil Pontifical pour la Promotion de la Nouvelle Evangélisation, présidé par Mgr Rino Fisichella, publie le document "N'aimons pas en paroles, mais par des actes". On y retrouve des propositions de Lectio Divina. En voici une ci-dessous.
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Ecoute de la Parole
«Écoutez donc, mes frères bien-aimés! Dieu, lui, n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde pour en faire des riches dans la foi, et des héritiers du Royaume promis par lui à ceux qui l’auront aimé? Mais vous, vous avez privé le pauvre de sa dignité. Or n’est-ce pas les riches qui vous oppriment, et vous traînent devant les tribunaux? Mes frères, si quelqu’un pré- tend avoir la foi, sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il? Sa foi peut-elle le sauver? Supposons qu’un frère ou une sœur n’ait pas de quoi s’habiller, ni de quoi manger tous les jours; si l’un de vous leur dit: «Allez en paix! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim!» sans leur donner le nécessaire pour vivre, à quoi cela sert-il? Ainsi donc, la foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte.»
(Jc 2,5-6.14-17)
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Méditation
L’encouragement de l’apôtre Paul sur la foi, selon lequel croire signifie adhérer à Jésus, à la puissance de la résurrection, dans la communion à ses souffrances pour lui devenir conforme (cf. Ph 3, 10-11), conduit à penser que professer sa foi est une relation. La foi est une relation avec Jésus: la condition de disciple exige l’ouverture, la docilité et le discernement de son évangile. C’est la tâche du disciple de revisiter cette annonce dans sa propre vie, de comprendre comment elle découle de l’enseignement du maître. Il faut le regarder, fixer les yeux sur Jésus qui est la source de la foi et la conduit à son accomplissement (He 12,2). Cette relation met en exergue un fait particulièrement significatif : Jésus en annonçant la proximité du Royaume de Dieu (cf. Mc 1,14-15), souligne la centralité des pauvres.
Ayant reçu l’onction de la parole de Dieu (cf. Lc 4, 16-30), il montre envers tous de la tendresse et de la bienveillance, mais en particulier envers ceux qui vivent dans des conditions de marginalité et de pauvreté: ceux qu’il définit comme les petits du Royaume. Cela montre clairement que l’attention portée aux pauvres est, dans son enseignement, profondément liée à la révélation biblique. Il suffit de penser à la façon dont Dieu prend soin de son peuple, humilié et opprimé (cf. Dt, 26, 7) et à ses nombreux avertissements sur la charité envers les pauvres (cf. Ps 82, 1-8; Pr 3, 28; Si 4, 1-10; Is 58, 7.9-10), pour comprendre que la solidarité constitue un aspect important du témoignage de la foi.
L’intérêt de Dieu pour les pauvres, en tant que Père miséricordieux et bon, et leur inclusion parmi ses amis bien-aimés en font une priorité qui doit devenir pour le disciple, en relation avec Jésus, un choix de vie: ressembler à Dieu dans ses options fondamentales, révélées par l’accueil du maître et établies par un avertissement explicite: «Amen, je vous le dis: chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait» (Mt 25, 40). Cette phrase révèle le choix définitif de Dieu d’avoir une grande préoccupation à l’égard des pauvres. Ceux qui croient en lui ne peuvent pas l’éviter. En fait, cette attention vérifie l’authenticité de son attachement à Dieu. On ne peut croire en lui sans assimiler ce critère fondamental dans l’annonce chrétienne.
Selon Jc 2, 5 Dieu fait ce choix préférentiel en proposant une manière inhabituelle de sauver l’humanité: «Au contraire, ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort; ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est pas, voilà ce que Dieu a choisi, pour réduire à rien ce qui est» (1 Co 1, 27-28). La folie de cette annonce, qui est une pierre d’achoppement, est précisément d’accueillir prioritairement les pauvres en faisant en sorte que cette ouverture devienne le mode de vie du croyant.
En prenant soin des pauvres, il est nécessaire de s’impliquer affectivement, selon ce compromis que l’on retrouve en Jésus, qui a accepté librement d’assimiler la chair du péché (cf. Rm 8, 3), c’est-à-dire la faiblesse et la misère de l’humanité. La solidarité sans cette forme d’implication est seulement de l’aumône. Même s’il est utile de faire le bien, en aidant toujours ceux qui en ont besoin, il est nécessaire de mettre en œuvre le compromis de Jésus à la lumière de la prédilection de Dieu envers les pauvres. Une telle attention comporte un choix radical : faire de la place à l’autre dans sa propre vie. La charité, soutenue par la relation avec Jésus, est une preuve de la manière dont Dieu a sauvé l’humanité (cf. 2 Co 5, 21). La naissance du bien passe en effet par un acte simple et gratuit, que l’on retrouve depuis la création : Dieu se retire pour faire place à l’homme.
L’incarnation du Verbe elle- même peut être comprise dans cette perspective. Jésus s’approche des pauvres et de ceux qui en ont besoin, en montrant que la solidarité est tout d’abord de laisser la place à l’autre: «On présenta à Jésus beaucoup de possédés. D’une parole, il expulsa les esprits et, tous ceux qui étaient atteints d’un mal, il les guérit, pour que soit accomplie la parole prononcée par le prophète Isaïe: Il a pris nos souffrances, il a porté nos maladies» (Mt 8, 16-17). Le partage n’est pas seulement donner quelque chose, de superflu ou non, à ceux qui sont dans le besoin, mais également volonté généreuse de se retirer pour créer de l’espace, c’est-à-dire permettre à l’autre de trouver le moyen de repartir, en se sauvant de sa marginalisation.
Ce choix de Dieu, qui fait partie de son plan de rédemption, fait des pauvres ses préférés: «Dieu, lui, n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde pour en faire des riches dans la foi, et des héritiers du Royaume promis par lui à ceux qui l’auront aimé?» (Jc 2, 5). Il s’agit d’une prédilection très particulière qui a sa source dans la foi des pauvres, au point que ceux-ci sont désignés parmi ceux qui hériteront les promesses du Royaume (cf. Rm 8, 16-17.28-29). Qu’entend-on par foi des pauvres? L’expression semble indiquer l’attitude typique de ceux qui, dans le besoin, invoquent Dieu. Tout d’abord leur situation de pauvreté les oblige à demander l’aumône et à compter sur les autres pour leur propre subsistance. Il est évident qu’une telle dépendance est avant tout dirigée vers Dieu qui détermine «la volonté et l’action, selon son projet bienveillant» (Ph 2, 13).
Dans sa misère, le pauvre ne peut compter que sur Dieu. C’est une condition inéluctable de survie. À cette attente est jointe une attitude plus originale. Elle s’entrevoit dans l’utilisation d’une action verbale, transmise systématiquement par la tradition évangélique. C’est le verbe «évangéliser» (euagghelízesthai), qui a, en grec, une valeur réfléchie. L’expression, «les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle» (Mt 11, 5; Lc 7, 22), laisse entendre le privilège de ceux qui sont marginalisés : les pauvres sont les gardiens du pouvoir de l’Évangile (cf. Rm 1, 16). Dieu a donc choisi, dans son plan de salut, d’être reconnu dans les pauvres dont l’existence est le temple de sa glorification: une demeure sainte d’où ressortent les merveilles de sa proximité (1 P 2, 9). Les pauvres avec leur foi deviennent le lieu où l’on peut rencontrer Dieu et apprendre à croire en lui. Il existe une façon pour que le choix des pauvres devienne l’héritage des disciples: l’écoute de la parole de Dieu. L’avertissement explicite de Jc 2, 5: «Écoutez» a la force d’un impératif catégorique, clairement motivé par un manquement sérieux : «Mais vous, vous méprisez le pauvre!» (v.6). Pour l’auteur ignorer les nécessités des pauvres, c’est-à-dire leur nourriture quotidienne (cf. v.15) et les moyens indispensables à leur subsistance (cf. v.16), revient à compromettre sérieusement le choix de Dieu.
Il est impossible de professer sa foi en lui sans le reconnaître en ceux qui le gardent dans la vérité de sa révélation. Cela est clairement exprimé par l’utilisation du verbe grec atimázein (ne pas honorer, mépriser), dont le sens laisse entendre que l’honneur nié au pauvre est aussi refusé à Dieu (cf. Ap 5, 13). L’écoute de la parole de Dieu permet d’effectuer une transposition: la vénération des pauvres, à travers des gestes qui expriment la proximité et l’aide, est l’adoration de Dieu dans sa magnificence. L’auteur le répète avec force: «le comportement religieux pur et sans souillure, c’est de visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse, et de se garder sans tache au milieu du monde» (Jc 1, 27). Ici une chose est claire: la foi du disciple, qui se manifeste dans le culte adressé à Dieu (thrēskeía = culte, adoration), reste pure dans la mesure où elle répond au besoin des pauvres.
Cependant, une telle attention nécessite une nourriture substantielle: cette loi parfaite permet au disciple d’agir dans la liberté de l’évangile (cf. 1,25), c’est-à-dire d’agir en se libérant des préjugés, ce qui favorise une attitude de solidarité inconditionnelle. La parole de Dieu, vécue réellement, purifie la sensibilité du disciple, en le rendant semblable à Jésus, dont les sentiments tendent à rendre heureux les autres par le don de sa vie (cf. Ph 2, 1-5). La profession de foi se manifeste donc par la pratique des œuvres: une coopération harmonieuse qui certifie la véracité du choix que le disciple fait de Dieu. Le terme grec érgon (œuvre), au pluriel, sous-entend deux choses: le désir de stimuler l’existence des pauvres et le courage de revisiter sa propre existence, en poursuivant l’idéal d’une vie centrée sur l’essentiel, selon l’Évangile (cf. Mt 10,9 ; Lc 9, 57-62). C’est le rappel du rôle de la pauvreté dans le témoignage de la foi.
La solidarité, qui répond au principe selon lequel Dieu a, face au monde, choisi les pauvres comme ses amis, requiert de repenser la façon de gérer sa vie. Il n’est pas possible de partager la pauvreté des autres sans que le disciple ne recherche une vie plus sobre. Ainsi que le dit Basile de Césarée, dans De Avaritia hom.VI, 7: «Et toi, n’es-tu pas avare, n’es-tu pas spoliateur, quand tu t’appropries les biens que tu as reçus en intendance? Celui qui dépouille un homme de ses vêtements sera appelé voleur, et celui qui ne couvre pas l’homme qui est nu, alors qu’il peut le faire, est-il digne d’un autre nom? Il appartient à celui qui a faim, le pain que tu gardes; à celui qui est nu, le manteau que tu conserves dans tes coffres; à celui qui est sans chaussures, la chaussure qui pourrit chez toi ; au pauvre, l’argent que tu tiens enfoui. Ainsi, tu commets autant d’injustices qu’il y a de personnes à qui tu pourrais donner».
Un passage de l’exhortation apostolique Evangelii gaudium (n.189), selon lequel la solidarité est un critère essentiel pour atteindre le bien commun, fait écho à cet avertissement: «La possession privée des biens se justifie pour les garder et les accroître de manière à ce qu’ils servent mieux le bien commun, c’est pourquoi la solidarité doit être vécue comme la décision de rendre au pauvre ce qui lui revient». Il s’agit d’une nouvelle façon, expressément évangélique, de concevoir la relation avec les pauvres. L’attention envers ces derniers, qui à sa source dans l’amour de Dieu (1 Jn 4, 19) exige un changement de vie qui affecte la possession des biens.
Lorsque dans Jc 2, 17, on lit que la foi sans les œuvres est tout à fait morte, en parallèle avec Ga 5, 6: «la foi opérant par la charité», on affirme la valeur implicite de la vie simple dans les relations avec les pauvres. Seuls ceux qui n’aspirent qu’à l’essentiel peuvent comprendre de manière approfondie les pauvres, dans la conscience que la charité est une renonciation à quelque chose qui appartient, en vérité, à ceux qui vivent dans la misère, causée par la cruauté d’une humanité renfermée sur elle-même.
PRIERE 1 : (Psaume 107, Dieu sauve l’homme de tout péril)
Rendez grâce au Seigneur: Il est bon! Éternel est son amour!
Certains erraient dans le désert sur des chemins perdus, sans trouver de ville où s’établir:
ils souffraient la faim et la soif, ils sentaient leur âme défaillir.
Dans leur angoisse, ils ont crié vers le Seigneur, et lui les a tirés de la détresse:
il les conduit sur le bon chemin, les mène vers une ville où s’établir.
Qu’ils rendent grâce au Seigneur de son amour, de ses merveilles pour les hommes:
car il étanche leur soif, il comble de biens les affamés!
Dans leur angoisse, ils ont crié vers le Seigneur, et lui les a tirés de la détresse:
il les délivre des ténèbres mortelles, il fait tomber leurs chaînes.
Qu’ils rendent grâce au Seigneur pour son amour, de ses merveilles pour les fils des hommes;
là, il établit les affamés pour y fonder une ville où s’établir.
Ils ensemencent des champs et plantent des vignes: Ils en récoltent les fruits.
Dieu les bénit et leur nombre s’accroît, il ne laisse pas diminuer leur bétail.
Mais il relève le pauvre de sa misère, il rend prospères familles et troupeaux. Qui veut être sage retiendra ces choses: il y reconnaîtra l’amour du Seigneur.
PRIERE 2
Nous te remercions, Seigneur, car à travers ton Fils fait homme tu veux partager avec chaque homme et chaque femme ton amour. Grâce à l’amour qui jaillit du cœur de la Trinité, fais que nos vies soient riches d’œuvres de miséricorde et de compassion envers les frères et les sœurs qui sont dans le besoin.
Rends l’Église, comme les premières communautés chrétiennes, encore capable de partage: capable de reconnaître dans le visage des frères et des sœurs plus faibles le visage de ton Fils crucifié et ressuscité; capable de partager le pain et le temps avec ceux qui tendent leurs mains en demandant notre solidarité.
Nous te le demandons par Marie, Étoile de la nouvelle évangélisation, Elle qui n’a rien demandé pour elle-même, mais a accueilli ton Don et a donné, aux frères devenus fils, Ta bénédiction.
Amen
Retrouvez les deux autres propositions de Lectio Divina sur le site du Vatican ici.
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